Par Cyrille Schwellnus and Simone Romano
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Malgré plusieurs chocs majeurs et le ralentissement récent, le Luxembourg a connu une croissance vigoureuse au cours des dernières décennies. Le niveau de vie y figure parmi les plus élevés de l’OCDE. Un cadre institutionnel stable, une réglementation réactive et un régime fiscal relativement favorable ont permis d’attirer les investissements étrangers ainsi qu’une main-d’œuvre internationale.
Toutefois, le modèle de croissance fondé sur une expansion rapide de la population active montre aujourd’hui ses limites. La productivité stagne depuis près de 15 ans, la congestion augmente et le logement devient de moins en moins abordable pour de nombreux résidents. Par ailleurs, les dépenses de retraite devraient croître rapidement dans les décennies à venir, avec un triplement du nombre de retraités entre 2024 et 2070.
Dans ce contexte, des politiques visant à favoriser une transition vers un modèle de croissance plus durable, axé sur les compétences et l’innovation, doivent être prioritaires, tout en assurant la soutenabilité du système de retraite et en répondant aux défis climatiques.
L’Enquête économique de l’OCDE 2025 sur le Luxembourg met en avant trois messages clés :
• Une réforme d’ampleur du système de retraite est nécessaire à court terme, combinant modération des dépenses et hausse des recettes, afin de garantir sa viabilité pour les générations futures et éviter des ajustements plus perturbateurs ultérieurement.
• Relancer la productivité suppose de renforcer les compétences via une offre de formation plus qualitative, de recentrer les aides publiques à l’innovation et d’intensifier la concurrence, notamment dans les services.
• Poursuivre le développement des transports publics et des solutions de mobilité alternatives, tout en rapprochant les prix des carburants de ceux des pays voisins et en rendant la fiscalité moins favorable aux véhicules thermiques, permettrait d’avancer vers les objectifs climatiques.
Assurer l’équilibre du système de retraite tout en préservant l’équité intergénérationnelle et la compétitivité requiert une approche globale et une mise en œuvre rapide. L’horizon d’évaluation de l’équilibre du système devrait être étendu de 10 à 50 ans. Fixer un taux de cotisation stabilisateur à long terme et le mettre progressivement en place permettrait de répartir plus équitablement la charge entre générations et de laisser au fonds de réserve de retraite le temps de croître grâce aux rendements financiers.
Relever l’âge effectif de départ à la retraite, actuellement le plus bas de l’OCDE, renforcerait également la viabilité du système. L’accès à la retraite anticipée devrait être restreint en excluant les années d’études du calcul des années contributives et en alignant les prestations sur les carrières réelles. Parallèlement, les âges de départ anticipé et légal devraient évoluer avec l’espérance de vie.
Les niveaux de pension devraient être rapprochés de ceux des autres pays de l’OCDE, car le revenu relatif des personnes âgées au Luxembourg est le plus élevé de la zone. Accélérer la transition vers les taux de remplacement plus faibles prévus par la réforme de 2012 – en passant de 40 à 25 ans – contribuerait à ralentir l’épuisement du fonds de réserve. Remplacer l’indexation des pensions sur les salaires nominaux par une indexation sur l’inflation, comme c’est l’usage dans la majorité des pays de l’OCDE, permettrait aux retraités actuels de participer à l’effort d’ajustement.
La transition vers un modèle de croissance reposant sur les compétences et l’innovation passe par des réformes de la politique d’innovation, de formation et de concurrence. Mettre en place un mécanisme de coordination entre les principaux acteurs du soutien public à l’innovation, privilégier les aides orientées vers des projets plutôt que vers les institutions, et renforcer les partenariats public-privé favoriserait l’investissement privé en R&D.
La qualité de la formation pourrait être renforcée via la création d’un organisme national d’accréditation et un contrôle plus strict des prestataires. Mieux cibler les incitations financières à la formation continue et proposer un accompagnement plus actif encouragerait la participation des travailleurs peu qualifiés et des seniors. L’obligation de divulguer l’identité des groupes d’intérêts et des responsables publics impliqués dans les activités de lobbying, ainsi que l’instauration de sanctions pour les lobbyistes non enregistrés, permettraient de limiter l’influence disproportionnée des acteurs dominants sur la réglementation, au détriment des PME. La qualité de la réglementation pourrait aussi être améliorée par la généralisation des évaluations d’impact ex-ante et ex-post sur la concurrence, et par l’usage d’un langage clair dans la rédaction des lois.
Le Luxembourg a fait d’importants progrès dans la réduction des émissions, mais des efforts supplémentaires sont requis pour réduire de 55 % d’ici 2030 les émissions hors Système d’échange de quotas d’émission de l’Union Européenne et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’expansion des infrastructures de transport public, l’augmentation de la fréquence et de la capacité des trains contribueraient à réduire la congestion et à accroître la capacité globale du système. D’autres mesures sont nécessaires pour fluidifier les déplacements aux heures de pointe, notamment un meilleur lien entre aménagement du territoire et développement du transport public.
La dépendance élevée aux véhicules thermiques est soutenue par une fiscalité avantageuse sur les carburants et les voitures. Définir une trajectoire claire et ambitieuse pour la fiscalité des carburants au-delà de 2027, afin de rapprocher le prix final de celui des pays voisins, réduirait le tourisme à la pompe et l’usage de la voiture individuelle. Relever la taxe d’immatriculation des véhicules neufs en fonction des émissions, introduire des péages routiers et réserver certaines voies aux bus et au covoiturage contribueraient à un basculement vers des modes de transport plus durables.
Pour plus d’informations, visitez la page de l’ économie du Luxembourg en un coup d’œil.
References
OECD (2025), OECD Economic Surveys: Luxembourg 2025, OECD Publishing, Paris,
https://doi.org/10.1787/d01c660f-en.