Stimuler la croissance en France et s’assurer que les réformes profitent à tous

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par Antoine Goujard et Pierre Guérin, Bureau de la France, Département Économique de l’OCDE

L’économie française ralentit, mais moins que ses voisins. La France a lancé un programme de réformes significatif, auquel elle doit associer un soin particulier aux inégalités. En effet, le revenu par habitant a progressé moins vite que dans la moyenne de la zone euro (Graphique 1). L’étude économique de l’OCDE : France 2019, lancée le 9 avril 2019 par le Secrétaire général de l’OCDE et le ministre de l’Économie et des Finances, montre qu’il est nécessaire de continuer de stimuler la croissance et de faire en sorte que les gains des réformes atteignent les ménages les plus modestes.

Les réformes doivent profiter à tous et améliorer les perspectives des ménages à faibles revenus. Les manifestations des « gilets jaunes » ont montré que les gains des réformes en cours n’étaient pas perçus par une partie de la population. Le revenu réel par habitant corrigé de la structure des ménages est resté inchangé depuis dix ans (Graphique 2). Les taux d’emploi, en particulier chez les jeunes, les travailleurs peu qualifiés et âgés, sont faibles et la productivité de l’ensemble de l’économie a diminué, comme dans de nombreux autres pays de l’OCDE. De plus, la faible mobilité sociale tend à perpétuer les situations économiques et sociales d’une génération à l’autre, malgré un taux de pauvreté relativement bas après impôts et transferts (Boone et Goujard, 2019).

Comment atteindre une croissance plus durable et s’assurer qu’elle profite à tous ?

Le programme de réforme du gouvernement est ambitieux. La loi Pacte devrait renforcer le dynamisme de l’économie et la croissance des entreprises. Des réformes importantes du marché du travail, une réduction des prélèvements sur les entreprises et le travail et un plan d’investissement public favorable à l’amélioration de la productivité devraient aussi contribuer à stimuler la croissance et l’emploi à moyen terme. Les revues de dépenses et la réforme des retraites envisagée devraient renforcer l’efficacité des dépenses publiques et donner des marges de manœuvre pour réduire les impôts, tout en préservant l’investissement public. Les estimations de l’OCDE, qui couvrent une grande partie des réformes en cours et reposent sur l’expérience d’autres pays de l’OCDE (Akgun et al., 2017 ; Causa et al., 2016), montrent que si elles étaient pleinement mises en œuvre, ces mesures pourraient augmenter de 3,2 % le PIB par habitant à un horizon de dix ans et profiteraient principalement aux catégories de revenus moyenne et moyenne inférieure à moyen terme (Graphique 3).

À l’avenir, la France devrait capitaliser sur ce programme de réformes et prendre de nouvelles mesures pour augmenter le nombre d’emplois et leur qualité, améliorer la mobilité sociale et accroître l’efficacité des dépenses publiques. Des mesures supplémentaires pourraient grandement contribuer à stimuler l’emploi et la productivité et garantir une plus grande égalité des chances. En relevant le taux de croissance annuel moyen, elles aideraient aussi à inscrire la dette publique rapportée au PIB sur une trajectoire résolument descendante. De telles mesures pourraient porter les gains en termes de PIB par habitant à 5 % à un horizon de dix ans. C’est l’une des conclusions des principaux éclairages sur l’action publique de l’étude économique de l’OCDE : France 2019 :

  • L’amélioration du bien-être dépendra du renforcement des compétences et de la plus grande inclusion des travailleurs peu qualifiés dans la population active. Cela nécessite d’accroître la qualité de l’éducation dès le plus jeune âge et de mettre en œuvre des réformes pour garantir des programmes de formation continue de haute qualité profitant à tous. Une évaluation régulière des programmes de formation professionnelle et d’emploi subventionné améliorera leur qualité. Augmenter les coûts relatifs des contrats courts et réformer le système d’assurance-chômage réduiraient les incitations aux périodes récurrentes d’activité partielle et de chômage qui pèsent sur les perspectives de carrière des travailleurs peu qualifiés et des jeunes.
  • Poursuivre la réduction des obstacles administratifs à l’entrée et des réglementations indûment restrictives augmentera les pressions concurrentielles et garantira des conditions plus favorables aux entreprises jeunes et dynamiques. Il faut continuer d’avancer sur la simplification administrative pour faciliter l’entrée et la croissance des entreprises. En outre, les réglementations à l’entrée et certains codes de conduite restent stricts dans plusieurs professions règlementées – tels que les comptables, les notaires et les pharmaciens – ce qui pèsent sur la productivité et l’emploi. Pour veiller à ce que ces réglementations soient dans l’intérêt du public, il serait utile de revoir les réglementations existantes sous l’angle de la concurrence.
  • Une réduction du ratio des dépenses publiques au PIB est nécessaire pour améliorer la situation budgétaire et réduire les taux d’imposition à long terme, en particulier sur le travail. Les politiques de dépense du gouvernement devraient viser à ce que les investissements et les dépenses sociales soient mieux ciblés pour augmenter l’efficacité de l’administration publique. Simplifier le système fiscal soutiendrait également l’activité économique. Un certain nombre d’impôts à faible rendement affectent les entreprises et devraient être revus afin de simplifier le système fiscal. Les exonérations de TVA et les taux réduits sont considérables et certains d’entre eux bénéficient à trop peu de ménages à faible revenu.

Bibliographie

OCDE (2019), Études économiques de l’OCDE : France 2019, Éditions OCDE, Paris. https://doi.org/10.1787/10f0135f-fr

Boone, L. and A. Goujard (2019), La France, les inégalités et l’ascenseur social. https://oecdecoscope.blog/2019/02/25/la-france-les-inegalites-et-lascenseur-social/.

Akgun, O., B. Cournède and J. Fournier (2017), “The effects of the tax mix on inequality and growth”, OECD Economics Department Working Papers, No. 1447, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/c57eaa14-en.

Causa, O., M. Hermansen and N. Ruiz (2016), “The Distributional Impact of Structural Reforms”, OECD Economics Department Working Papers, No. 1342, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jln041nkpwc-en.

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1 thought on “Stimuler la croissance en France et s’assurer que les réformes profitent à tous”

  1. Quel lendemain pour nos sociétés
    en France, en Italie……….. ?

    Essai de Antonio Greco EDITIONS l’HARMATTAN

    Les entrepreneurs voudraient améliorer les résultats de l’économie française. Cet essai se connecte à cet objectif.

    L’essai analyse les facteurs qui devraient être considérés pour pouvoir améliorer les économies française et italienne. L’objectif de l’essai, qui est encadré dans un contexte européen, est de mettre en lumière les facteurs socio-économiques et culturels qui rendent difficile un très bon développement de l’économie française et entravent fortement le développement de l’économie italienne, dans le cadre de la compétition du village global.

    L’analyse porte particulièrement sur les attitudes et la vie sociale répandues dans deux pays, dans le contexte de la compétition économique internationale. Elle fait également apparaître les forces et les faiblesses de la France et de l’Italie, mais aussi leur complémentarité. Le problème « pédagogie de l’E.N. » est aussi traité.

    L’actualité et l’importance de la matière, traité dans l’essai, résultent des événements socio-économiques récents (par exemple le niveau de chômage, la crise européenne) qui se sont déroulés pendant les dernières années en France et en Italie. L’originalité de l’essai est liée aux points suivants :

    – l’ouvrage recherche et analyse les causes de base qui engendrent des inefficacités dans les économies française et italienne, qui sont engagées dans la compétition internationale ;
    – l’essai a comme objectif de suggérer des stratégies de modernisation à long terme, qui permettraient à la France et à l’Italie de beaucoup mieux se placer dans la compétition économique européenne ; la contribution négative d’une mauvaise pédagogie scolaire aux difficultés de l’économie est analysée.
    – l’analyse montre l’utilité d’une collaboration bien organisée dans différents domaines entre les Français et les Italiens, laquelle pourrait donner une grosse contribution à la solution de quelques problèmes importants qui existent dans les deux pays (en particulier en Italie).

    L’auteur : Antonio Greco, ingénieur et négociateur, ex-professeur, ex-fonctionnaire européen, a travaillé dans un cadre international depuis 1970, d’abord en Italie et, depuis 1982, en Europe. Ses constants déplacements en Europe, trente ans durant, lui ont donné l’occasion d’observer les divers comportements et les divers niveaux d’efficacité et créativité dans le travail.

    http://www.editions-harmattan.fr

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